Créer une truffière

vendredi 28 avril 2023

Choisir son terrain pour la plantation de sa truffière :

Quelques idées reçues sur les sols truffiers.

On prétend généralement que la truffe pousse sur des sols pauvres ; c’est généralement le cas.

Seulement , on ne récolte des truffes de façon régulière que sur des sols qui ont un certain potentiel agronomique, l’eau est le facteur limitant majeur de production .

Quand on n’a pas la possibilité d’arroser en été, le choix de la parcelle devient primordial dans la réussite de la future truffière, même pour melanosporum.

Un terrain peu adapté à la production de truffes induira une mauvaise production, voire une absence totale de récolte.

Il faut être attentif à la texture du sol, à sa structure, à son exposition, à sa réserve hydrique notamment. La truffe est un champignon calcicole.

-Le terrain pour la truffe de Bourgogne (Tuber uncinatum).

La truffe de Bourgogne prospère sur les sols calcaires ou argilo-calcaires ; les étages géologiques calcaires du trias, du jurassique, du crétacé, …peuvent lui convenir.
Tuber uncinatum est beaucoup plus plastique que Tuber melanosporum ; elle s’adapte à tous les types de sols calcaires pourvus qu’ils soient filtrants.
La teneur en argile peut varier de quelques pour cent à plus de cinquante pour cent.
Il en va de même pour la teneur en matières organiques, qui peut monter jusqu’à vingt pour cent.

On trouve des sols lui convenant dans les régions : Bourgogne, Franche-Comté, Champagne-Ardenne, Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Alsace, Normandies, Rhône-Alpes, Centre, Île de France, Poitou Charente, Aquitaine, Auvergne, Midi-Pyrénées, … ; mais également en Angleterre, au Luxembourg , en Belgique, Suisse, Suède, Italie, Roumanie,

On choisira un sol avec un pH supérieur à 7 si possible , ainsi qu’un bon drainage naturel .

Carte de France géolologique 1920

-Le choix du terrain pour la truffe du Périgord (Tuber melanosporum).

Les sols doivent être calcaires et filtrants, avec en plus une teneur en argile inférieur à trente pour cent (sauf exception) ; un rapport C/N de l’ordre de 10 ; les sols qu’elle apprécie sont aérés naturellement.
C’est à dire, un sol dans lequel la matière organique se décompose très vite, i.e. dans lequel la microfaune du sol est très active.
Le pH eau optimal du sol est compris entre 7.8 et 8.2 ; le calcium échangeable CaO doit être supérieur à 0,5% ; et contenir de 4 à 8% au maximum de matière organique.
De plus il faut une exposition au soleil ,on choisira une pente faible à forte donnant sur le Sud , du Sud Est au Sud Ouest.

Une visite de terrain suivie ou non d’une analyse de sol permettra de se faire une opinion.

Points à contrôler lors d’une analyse de sol truffier :

  • la Texture du sol (argile, sables, limons )
  • le pH eau,
  • C, le carbone organique,
  • N, l’azote,
  • C/N, le rapport carbone/ azote ,
  • Le calcaire total, Ca,
  • éventuellement le calcaire actif,

    Suite à l’analyse de votre sol ; si le pH est trop faible, il est possible de le relever en faisant un apport de calcaire broyé ; cet apport dépend du pH initial du sol, du pH souhaité, de sa teneur en argile et de sa teneur en matières organiques .
    Nous pouvons effectuer ce calcul pour vous, à partir de votre analyse de sol.

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Liste des laboratoires agréés d’analyses de terre.

Le climat

Les truffes poussent dans des zones climatiques comprises entre le 30 ème et le 60 ème parallèle.

Les climats dans lesquels vit melanosporum vont du climat méditerranéen (Languedoc-Roussillon, Basse vallée du Rhône…), en passant par le climat océanique (Charentes…) au climat océanique dégradé (Périgord, région Centre…), voire semi continental (vallées de l’Ain…). En France cela correspond aux zones de culture de la vigne, la région Champagne n’est pas comprise dans cette zone.

Climats en France.

L’uncinatum croit plutôt sous des climats océaniques (Normandie…),océanique dégradé (bassin parisien…), semi-montagnard (plateau de Langres, contreforts des Alpes…), semi-continental (plateaux de Lorraine…).

Le choix des plants truffiers :

On choisira des plants mycorhizés contrôlés par le Ctifl .

Densités de plantation d’un verger truffier et coûts.

Coût d’une plantation truffière avec la truffe de Bourgogne

La truffe de Bourgogne nécessite des densités de plantations élevées, c’est une espèce d’ombre.

Généralement on plante entre 830 (4m entre les rangs*3m sur le rang ) et 1250 (4m*2 m) plants par hectare de truffière ( plantation truffière dense : plus de 830 arbres par hectare ), avec au milieu de l’intervalle l’écartement de 4 m entre les rangs et 2.5 m sur le rang.
Lorsque la densité est trop faible, on retarde la mise en production.
Il vaut mieux planter moins de surface, mais plus dense.
On peut aussi , si on le souhaite, intercaler entre les arbres porteurs du Tuber uncinatum des cornouillers, des genévriers, des fruitiés…afin de réaliser un couvert plus divers.
Il vaut mieux planter moins de surface, mais plus dense.

Verger Tuber uncinatum, écartements 4m*1.5m,11 ans, en production.

A 834 plants/ha, l’investissement se monte pour les plants à 6400€ pour un hectare.

Nous faisons des devis sur demande pour les plants et les protections, n’hésitez pas !

Coût d’une plantation truffière avec la truffe du Périgord.

Les écartements que je préconise sont généralement de 7 à 8 m entre les rangs et 4m à 5 m sur le rang ; soit 200 à 300 pieds par hectare.

Verger Tuber melanosporum, écartements de 7m*4m, 5 ans de plantation.

L’investissement est trois fois moindre que pour Tuber uncinatum.Il faut compter environ 2280€ par hectare pour les arbres , avec une densité de 286 arbres/ha ; auquel il faut éventuellement ajouter les paillages, les filets , les tuteurs .

Ecartements entre plants et densités de plantation3 m4 m5 m6 m7 m8 m
2 m16671250 1000833714625
3 m1111833 667 555476417
4 m833625500417357313
5 m667500400333 286 250
6 m833417333278 238 208
7 m476357286238204179

La préparation du terrain avant l’implantation de la truffière .

Un labour suivit d’un hersage permettent de planter des arbres truffiers dans de bonnes conditions .

Ensuite on creuse des trous de dimensions 20cm*20cm*30cm de profondeur à la pioche .(Cette technique peut s’employer seule pour faire une plantation d’amateur sans labour préalable, mais c’est plus physique !)
Ces opérations doivent se faire lorsque le sol est ressuyé .

Vous pouvez, si ne souhaitez pas labourer le sol quand il s’agit d’une prairie en place ; faire faire des trous à la mini-pelle de façon à pouvoir planter sans faire d’effort. Il est possible de réaliser environ 250 trous par jour avec cet engin.

Périodes de l’année favorables à la plantation d’une truffière :


Périodes favorablesOctobre Novembre Décembre Janvier Février Mars
Périodes limites
Avril Septembre
Périodes défavorables
Mai Juin Juillet Août

La plantation de la truffière :

  1. Arroser le plant truffier avec un arrosoir afin de bien mouiller la motte.
  2. Faire un trou de 20 cm*20 cm de largeur et de 30 cm de profondeur.
  3. Enlever le pot autour de la motte, et la poser au fond du trou , la plantation se fait en gardant la motte entière.
  4. Combler celui-ci avec de la terre fine en tassant légèrement à la main.On recouvre le dessus de la motte avec au moins 5 cm de terre fine, voire 10-15 cm si la profondeur du sol le permet.
  5. On arrose copieusement , environ 10 litres par arbre.
  6. On peut pailler les plants soit avec un paillage naturel, soit avec un paillage artificiel (paillage en polyane noir de 80µm,collerette en polypropylène tissé, mulch de pierres,collerette en fibres végétales…).
  7. On pose une protection contre les rongeurs et cervidés si on le souhaite, à défaut d’avoir clôturé la parcelle.

Temps nécessaire pour la plantation :
une personne seule peut planter entre 100 et 200 plants par jour, cela dépend de la préparation du sol et de l’éventuelle pose de paillages et de filets de protection gibiers.

Personnellement, je constate qu’il est préférable de clôturer sa parcelle au départ avec un grillage à mailles progressives ; certes cela a un coût et prend du temps , mais cela évite de le faire après l’entrée en production du verger truffier, et cela permet de faire l’économie des filets anti-rongeurs et des tuteurs qui les soutiennent.

Voici deux fichiers édités avec l’aide du <acronym title= "Fond Social Européen"> FSE et réalisés par la <acronym title= "Fédération Française des Trufficulteurs"> FFT avec la collaboration de l’<acronym title= "Institut National de la Recherche Agronomique "> INRA et du <acronym title= "Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes"> Ctifl sur la plantation, un pour melanosporum et un pour uncinatum, ils pourront vous apporter quelques informations…, parfois trop pour le néophyte !

Plantation_Tuber_uncinatum
Plantation_Tuber_melanosporum

Entretien de la plantation truffière les deux premières années.

Les deux premières années sont essentielles à la réussite de l’implantation de la jeune truffière.
Le plant truffier ne doit pas subir de stress hydrique les deux premières années. En effet, un manque d’eau accompagné d’une forte chaleur peut entrainer une diminution importante du nombre de mycorhizes sur le jeune plant.
On éliminera systématiquement la végétation adventive autour des jeunes plants mycorhizés à l’aide d’un piochon si on n’a pas posé de paillage, et on arrosera copieusement ceux-ci, s’il ne pleut pas .
En zone septentrionale, il faut compter environ 20 mm par décade en période végétative de façon à ce que les arbres puissent se développer normalement .

Arrosage des truffiers en période estivale surtout : tous les 8 à 10 jours mettre 10 l d’eau à chaque plant, s’il ne pleut pas , et cela pendant deux ans !

Évolution de la plantation truffière.

Entre 3 et 5 ans après la plantation, les premiers brulés apparaissent autour des jeunes arbres truffiers. Ces brulés vont se développer et suivre la croissance de l’arbre truffier.
Il est important de noter que le brulé, vingt ans après la plantation peut mesurer plus de 10 m de diamètre, de ce fait on évitera de planter trop près des limites de sa parcelle …

Brulé sur un jeune charme mycorhizé par la Truffe de Bourgogne (Tuber uncinatum).

Quelques années après l’apparition des brulés, on trouvera les premières truffes.

Truffe de Bourgogne en place.

L’entrée en production de la jeune truffière.

Pour Tuber uncinatum la production de truffes ne démarre réellement qu’entre huit et douze ans après la plantation ; lorsque le milieu est fermé.
La taille de l’arbre truffier doit être faible, voire nulle ; elle doit servir à donner une forme acceptable au plant pour faciliter la récolte des carpophores ! La truffe de Bourgogne n’aime pas la lumière !
Deux possibilités d’entretien de la surface du sol s’offrent aux trufficulteurs, soit le travail du sol à l’aide d’un outils à dents (cultivateur, vibroculteur, grelinette…) , soit l’ enherbement du sol avec de la fétuque ovine (la plus simple).

Pour Tuber melanosporum, il en va autrement ; c’est une espèce de lumière, on peut trouver les premiers carpophores sur des sujets très jeunes (3 ans et demi après la plantation).
Avec le temps le milieu va se fermer progressivement ; le trufficulteur va devoir maitriser le développement aérien de ses arbres en taillant.
Soit en pratiquant une taille douce type « bonzaï » avec un sécateur, soit une taille plus traumatisante type « ERDF » avec une scie.

Voici un plant truffier avec une taille bonzaï .


La taille est nécessaire pour le maintien de la production de Tuber melanosporum.
Pour cette espèce de truffe, le travail du sol est conseillé .

Les premières récoltes de truffes sont clairsemées et irrégulières ; la plantation truffière va mettre plusieurs années pour atteindre son palier de production.

Volume et durée de la période de production .

Le volume de production d’une plantation truffière varie énormément d’une année sur l’autre de 1 à 3, parfois plus. La production moyenne d’une truffière en France est généralement comprise entre 10 et 20 kilogrammes de truffes par hectare et par an, parfois plus ; les années sans truffes comme l’année 2003 expliquent en partie ces chiffres.
Les plantations faites sur des sols qui ne conviennent pas ou trop pauvres, mal entretenues les premières années, réalisées avec une espèce de truffe inadaptée au sol ou au climat, ou avec des plants mal mycorhizés entrainent généralement une faible production .
Lorsque toutes les conditions favorables à la trufficulture sont réunies, il est possible de produire plusieurs dizaines de kilogrammes de truffes par hectare et par an.
Mais il est impossible de dire au moment de la plantation combien va produire la truffière et à partir de quel âge .

On estime généralement qu’une truffière peut produire pendant plus de 30 ans.

Livres sur la trufficulture

Voici deux ouvrages pour approfondir le sujet de la trufficulture ; un sur la truffe de Bourgogne et un autre sur la Truffe du Périgord.

LA TRUFFE Jean-Michel RICARD (Ctifl) - François BERGOUGNOUX (Ctifl) - Gabriel CALLOT (Inra) - Gérard CHEVALIER (Inra) - Jean-Marc OLIVIER (Inra) - Jean-Claude PARGNEY (Université) - Pierre SOURZAT (Station du Montat)
Voir la page : ww.ctifl.fr/Pages/Kiosque/DetailsOuvrage.aspx ?idouvrage=653
Ctifl de Balandran : 751, Chemin de Balandran 30127 BELLEGARDE Tél.+33(0)4 66 01 10 54

Livre : La Truffe de Bourgogne (Tuber uncinatum Chatin)

Gérard CHEVALIER et Henri FROCHOT, chercheurs à l’INRA

Histoire, biologie, écologie, culture, récolte et gastronomie (100 recettes).
256 pages, illustrées de plus de 100 photographies couleurs.
Editions Pétrarque 71 Route de GRIGNY 91130 RIS ORANGIS.
Prix 28 €